Sophie Tiers est une jeune femme de 24 ans de Chanac en Lozère. J’ai découvert son travail d’illustration grâce à un ami, qui à la sortie de l’ouvrage, Barbe Bleue, a sauté sur son clavier pour le commander. Quelques jours plus tard, je l’avais entre les mains et découvrais les inspirations et talents de Sophie. Habituée au Barbe Bleue des livres de conte pour enfants, aux dessins lisses et pastels, c’est avec plaisir que j’ai rencontré son interprétation de la version des Frères Grimm …
Bonjour Sophie, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Tout d’abord, il ne faut pas croire que c’est inné de se lancer dans ce genre de « passion/travail », je ne l’ai pas tout de suite accepté. J’ai commencé par me camoufler derrière la médiation culturelle au début de mes études, incapable de m’avouer que j’avais des compétences dans le domaine artistique. J’étais surtout incapable d’organiser le moindre événement culturel, la tête trop ailleurs ! Quelques rencontres à Paris m’ont incitée à me lancer, de façon un peu maladroite, me sentant aimantée par l’illustration sans savoir vraiment ce que c’était. Des histoires plein la tête, j’avais tout de même envie d’apporter au monde du livre une partie de moi. Et 4 ans plus tard, après un atelier préparatoire de dessin à Paris, puis 3 ans d’illustration à Saint-Luc Bruxelles, je fus diplômée, 23 ans dans les chaussures, mon éditeur déjà rencontré.
Barbe-Bleue est-il ton premier ouvrage ?
Barbe bleue est mon premier ouvrage. Il est né d’une exposition dans le cadre de l’école, et c’est en montrant ces images aux Collectifs des Métiers De l’Edition (CMDE) que nous avons décidé de travailler ensemble. J’ai donc repris le travail et élaboré un livre à partir des images déjà existantes.
Pourquoi avoir choisi ce conte pour enfant ? Et surtout pourquoi la version des frères Grimm?
Je n’ai pas vraiment choisi ce conte pour mon premier livre, c’est le hasard d’un repas – où j’ai rencontré les éditions CMDE – qui l’a choisi pour moi ! J’ai travaillé la version des frères Grimm plus méconnue. Les histoires peuvent être identiques, mais en fonction des pays et des écrivains, elles sont transmises en prose, en vers… La version des frères Grimm est crue et sympathique à la fois, mais surtout les détails changent … C’est un œuf à la place des clés, mais il y a toujours ces morceaux de femmes dans cette pièce interdite et surtout cet horrible maître de maison qui enlève les jeunes filles. Terrible cette histoire d’ailleurs …
Comment s’est déroulé ton travail d’illustration sur ce conte ?
Le travail d’illustration n’a pas été fluide du tout. J’ai lutté ! Pour sortir quelque chose de sincère et de personnel. Je ne voulais pas tomber dans des systèmes, ni du trop glauque, ni du trop crémeux, mais rester dans la vivacité et la spontanéité. J’ai d’ailleurs fait la dernière image 2 heures avant de rendre ma maquette … Cela faisait 8 mois que j’étais dessus ! Pour moi, c’est la plus juste !
Quelles sont les différentes techniques d’illustration que tu utilises ?
J’utilise de l’acrylique sur papier transparent plastifié. Quand ça sèche je peux gratter, faire des matières, poser les feuilles les unes au dessus des autres et bouger les décors, les personnages… Dans une image, il y a 4 ou 5 feuilles plastiques superposées. C’est ce jeu du hasard des transparences qui était excitant. Posée sur n’importe quel support différent, l’image prenait une toute autre forme, et c’est souvent en posant mes feuilles au hasard sur d’autres essais que mes visuels ont trouvé leur décor.
Tu as fait le choix de ne prélever que quelques mots dans le conte pour nous le transmettre. Comment as-tu procédé à cette sélection ?
On a l’impression que c’est facile, mais je voulais une sélection avant tout sonore, que les mots associés claquent dans l’air et restent narratifs. Il y a dans ces petits haïkus minimalistes la trame générale de l’histoire, toutes les étapes … mais pour cela il faut lire entre les lignes. Mais pour moi, on perçoit mieux l’histoire en la lisant à haute voix, les mots se percutent et leur prononciation fait partie de la narration. Prenons par exemple la phrase « Hâche échappa pièce lui trancha », avec la répétition des « ch » on sent la découpe du corps morceau par morceau ! Alors que dans une lecture silencieuse, ces mots n’ont pas tellement de présence. Pour le prochain livre, j’y ferais plus attention !
Comment s’est déroulée ta relation avec l’éditeur ?
Avec mon éditeur, c’est simple, j’ai carte blanche! Il est lui-même auteur et prend soin de ses petits créateurs de livre ! « Faire les choses sincèrement » est son credo. Il ne veut surtout pas qu’on change de style pour coller à ce qui lui plaît, ni à ce qui plaît au grand public. Et actuellement, vu le sens du marché du livre, je trouve ça très beau ! Nous formons une vraie équipe, et les éditions CMDE ont une belle manière d’approcher la création livresque. Je suis très contente de travailler avec eux !
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Je suis en train d’écrire Pot d’âne une réécriture de Peau d’âne, qui reprend la trame de l’histoire, mais les mots sortent d’un livre de cuisine. Une sorte de « conte de faits gastronomiques ». J’aime le vocabulaire cru et poétique de la cuisine et voulais le travailler avec cette histoire d’inceste et de gâteau. J’ai aussi tout un recueil de « poésies du mot des autres » – piochées dans les livres de cuisine, des magazines, des ouvrages très quotidiens qui ne se veulent pas du tout poétiques – qui va peut-être bientôt trouver une forme de livre … Je ne sais pas… A suivre !
Informations pratiques :
Barbe Bleue de Sophie Tiers est édité par le Comité des Métiers de l’Edition dans la collection « Dans le ventre de la baleine » Pour plus d’informations rendez-vous sur le site internet en cliquant ci-dessous
La page consacrée au livre de Sophie
Pour commander le livre, vous pouvez envoyer un mail à contact@editionscmde.org